La commune, une invention de la bourgeoisie !
- Les concepts centraux : liberté, rapports sociaux.
- Les objectifs notionnels : essor urbain, émancipation de la bourgeoisie
- LES REPRÉSENTATIONS DES ÉLÈVES
Les élèves ont tendance à penser que la ville existe depuis toujours comme ils la connaissent aujourd’hui. Si leurs lectures ont pu les amener à entrevoir l’existence d’un seigneur dans un château exerçant un contrôle étroit sur des paysans qui travaillent en grande partie pour lui, ils n’ont pas la moindre idée des rapports sociaux et politiques qui pouvaient exister dans la ville. Dans leurs représentations, le seigneur est un personnage laïc et rural.
La seconde difficulté réside dans la difficulté que des réalités aient pu changer avec le temps et changer dans des rapports conflictuels. Des rapports sociaux qui deviennent obsolètes avec des modifications : la croissance démographique accompagne un accroissement des bourgs, le commerce se développe, on peut parler dans certains cas d’un commerce international avec les villes de foire qui mettent en relation les villes du Nord de l’Europe avec les villes italiennes.
- LE POINT SUR LA QUESTION
Jusqu’aux environs du 11esiècle, la ville n’est en rien différente de la campagne, elle est soumise au ban d’un seigneur. Notons que celui-ci peut être laïc ou ecclésiastique. Ce seigneur rend la justice, il oblige les habitants à accomplir des services militaires, doivent payer les taxes, la taille et accomplir les corvées. Autant d’obligations qui les gênent dans leur activité économique.
Les bourgeois souhaitent s’en libérer ou, tout au moins, les fixer une fois pour toutes par écrit. Afin de faire pression sur le seigneur, ils se regroupent en une association qu’ils nomment commune jurée. Cette association est assortie d’un serment d’aide mutuelle entre ses membres, et présente au seigneur les revendications des bourgeois. Le plus souvent, le seigneur accorde les écrits (la charte) aux bourgeois contre de l’argent, surtout quand le seigneur en a grand besoin. Il est très rare que cette charte négociée soit accordée gratuitement. Dans quelques cas, le seigneur refuse ou revient sur son accord. Cette attitude se traduit souvent alors par des émeutes (Cambrai ; Le Mans, Laon. A Laon, en 1112, l’évêque Gaudri, seigneur de la ville est assassiné après avoir été molesté par la foule).
Mais, dès le début, cette émancipation de la bourgeoisie fut inégale. Car pour être électeur, il faut souvent justifier de propriétés dans la ville. Si bien que ce sont les familles les plus riches qui accaparent les fonctions dirigeantes. La domination de ces bourgeois peut parfois être plus dure que celle des anciens maîtres : les tensions sociales, entre bourgeois, se développent dés la conquête de leur liberté.
Les villes sont dirigées par un conseil de la ville. Les bourgeois y élisent leurs représentants : échevins et maires dans le Nord de la France, conseillers et consuls dans le Sud. Bien évidemment les villes vont prélever à leur tour des impôts afin, par exemple, d’assurer leur sécurité (fortifications), de construire des hôpitaux et des écoles. Elles ont le droit de juger les délits mineurs, le seigneur se réservant toujours le droit de juger les crimes.
Quand le seigneur accorde une charte, les libertés qui y sont précisées se nomment franchises si bien que dans ce cas précis, on parlera de « ville franche », le seigneur partage une partie du pouvoir avec les bourgeois (notamment dans le domaine de la justice comme on vient de le voir). Quand le seigneur est chassé, à la suite d’une révolte par exemple, on parle d’une « ville libre ».
Durée |
ORGANISATION |
MISSION |
La séquence essaie de faire tout d’abord comprendre la frustration que certains groupes sociaux pouvaient connaître et en corollaire l’esprit défensif qui pouvait habiter les autres. Une fois de plus, les inventions ont été le fruit d’intérêts conflictuels. | ||
10 m | La classe est partagée en deux parties :
Lecture des documents en groupe. |
Vous allez dans vos groupes. Vous lisez les documents qui concernent votre groupe. Vous allez les uns et les autres préparer une réunion pour discuter de vos intérêts : qu’est-ce qui ne va pas ? De quoi avez-vous besoin ? Qu’allez-vous faire ? |
30 m | Les différents groupes de bourgeois se réunissent dans une commune jurée à laquelle assistent en spectateur les seigneurs.
Puis les seigneurs se réunissent devant les bourgeois qui assistent silencieusement à l’assemblée. |
Faites part aux autres groupes de vos revendications. Les élèves qui vous écoutent mais qui, en réalité, ne sont pas là, sont les seigneurs. |
15 m | Chaque groupe se réunit pour écrire ce qu’il a décidé de faire. | Repartez dans vos groupes et mettez par écrit ce que vous avez décidé de faire. |
10 m | Lecture et discussion. | Chaque groupe lit ce qu’il a décidé. |
05 m | Synthèse de l’enseignant. Résumé à partir de la synthèse et de la décision de chacun. | Synthèse voir « le point de la question ». |
3. INDICATIONS SUR L’ANIMATION
Il serait utile que les élèves puissent imaginer plus précisément qui étaient les bourgeois. Et surtout, qu’ils prennent conscience des activités économiques qu’ils maîtrisent. Car si jusqu’alors, la richesse fondamentale était la terre (et cela le restera fondamentalement jusqu’à la révolution industrielle), l’artisanat et le commerce deviennent des activités non négligeables. Plusieurs types de document peuvent être utilisés : une projection de diapositives tirées de la Documentation photographique consacrée à la ville au Moyen Age ou encore des reproductions tirées de différents manuels d’histoire empruntés à la BCD.
Le principe de la situation proposée aux élèves est un peu différent de ce que nous avons proposé jusqu’alors. Les groupes préparent ensemble mais « jouent » séparément. Cependant, pour que la situation ne soit pas lourde, chaque membre du conflit bourgeois / seigneurs assiste à la réunion de l’autre parti.
On peut éventuellement joindre ou lire le document consacré à la révolte des bourgeois de Laon (1116), pour faire prendre conscience aux élèves de l’âpreté du conflit de pouvoirs. Lire ce document peut avoir un effet d’annonce et montrer combien les dangers sont grands pour les seigneurs qui rejetteraient ou refuseraient d’accorder à leurs bourgeois les libertés qu’ils réclament. Cette lecture peut aussi permettre aux bourgeois d’être plus déterminés s’il en était besoin !
Il serait bon que les bourgeois se rendent compte qu’ils vont acquérir une certaine liberté financière et pouvoir consacrer de l’argent à des institutions qui n’existent pas : hôpital, écoles (Hachette, 196, cycle 3 / niveau 2, p. 55).
Si les élèves se trouvaient en panne dans la phase de rédaction de leurs décisions, plusieurs extraits de charte peuvent être proposées aux élèves. Outre celle que nous proposons comme document, un certain nombre de chartes se trouvent dans les différents manuels d’histoire du cycle 3, chez les différents éditeurs (Hâtier, 1997, cycle 3, CM1, p. 55 par exemple, ou dans les éditions précédentes).
- DOCUMENTS DE TRAVAIL :
Document 1 : un opposant au mouvement des Communes : Guibert de Nogent, chroniqueur et ecclésiastique.
Une commune, nom nouveau et détestable, consiste en ce que les habitants ne sont plus obligés de payer qu’une fois par année l’impôt qu’ils devaient à leur maître quand ils étaient serfs. Quand ils commettent une faute, ils doivent payer une amende et sont dispensés des autres amendes que l’on a l’habitude d’obliger les serfs à payer. Le peuple qui peut se racheter ainsi n’épargne pas l’argent qu’il avait mis de côté pour faire taire les maîtres. Et ces derniers, qui aiment beaucoup l’argent s’engagent par des serments à accepter ces communes.
Document 2 : un seigneur favorable crée une ville nouvelle :
« Moi, Louis, comte de Blois, fais savoir que les hommes n’ont plus à payer la taille. Il sera permis aux bourgeois d’élire douze d’entre eux pour diriger la ville. Si un habitant veut vendre ce qu’il possède, qu’il le vende. S’il veut s’éloigner de la ville, qu’il parte librement. Nul ne fera la corvée. »
La charte de Châteaudun, 1197. Hachette, 1996, coll. A monde ouvert, cycle 3
Document 3 : déception d’un bourgeois, le juriste Beaumanoir :
Nous voyons beaucoup de villes où les bourgeois pauvres et moyens ne participent pas du tout à la direction de la ville qui est tout entière dans les mains des hommes les plus riches. En 10 ans, toutes les administrations des villes sont passées aux mains des riches bourgeois. Et quand les autres leur demandent des comptes, ils les ignorent.
Document complémentaire
Les boutiques des savetiers et des cordonniers se fermèrent, les cabaretiers et les aubergistes rangèrent leurs marchandises parce qu’on savait qu’il ne resterait plus rien, les seigneurs pillant tout… Le lendemain, comme l’évêque suivait son clergé à la procession, il ordonna à ses gens et à tous les chevaliers de marcher derrière lui en portant des épées sous leurs vêtements. Au cours de cette procession, un des bourgeois se mit à crier à plusieurs reprises : commune ! Commune !
L’évêque ne réussissant pas à repousser les assauts revêtit les vêtements d’un de ses serfs et se réfugia dans le cellier où il se cacha dans une petite cuve, pendant que brûlaient la cathédrale et son palais. Les gens pénètrent dans le cellier et en fouillant partout ils finissent par le trouver… Gaudri fut arraché du tonneau ; il fut frappé de multiples coups. Et Tendegaud, un bandit, tua l’évêque.(Guibert de Nogent)
- BIBLIOGRAPHIE
Des ouvrages pour les enseignants
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- Boucheron P., Menjot D, 2011, La Ville médiévale, Seuil.
- Heers J., 1998, La ville au Moyen Age en Occident : paysages, pouvoirs et conflits, coll. Pluriel, Paris, Hachette.
- Le Goff J., 1998, La ville en France au Moyen Age, coll. Points Histoire, Paris, Seuil.
- Le site de la BNF avec d’autres documents : http://classes.bnf.fr/ema/ville/ville/index1.htm
Des ouvrages pour les élèves
- Collectif, 1998, Paris au Moyen Age, Parigramme.
- Dagnaud A, 1995, La ville au Moyen Age, coll. Documentaires Giss. Jeunesse, Gisserot Jean Paul.